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Célestine ou la vie sauvage

À travers ce nouveau roman feel good, j'ai voulu rendre hommage aux enfants de l'ASE et aux combats des professionnels qui tentent de les aider face à la cruauté d'un système kafkaïen. 

L'histoire de Célestine, c'est aussi la nôtre. Lutter ou baisser les bras face à l'adversité. C'est un dilemme parfois difficile, mais on a toujours le choix.

Couverture Célestine ou la vie sauvage.png

« On choisit pas ses parents, on choisit pas sa famille » aimait à chanter Maxime Le Forestier. Célestine n’a pas choisi de naître dans cette famille avec une mère aimante mais un père violent. Jusqu’au jour où elle va se retrouver seule, ballotée dans les méandres de l’ASE, marquée par les fers de la vie. Elle devra décider entre se battre ou abandonner. Les rencontres de sa vie, de bonne ou de mauvaise fortune forgeront son destin. On n’a pas toujours les bonnes cartes au départ. On fait avec, au mieux, on se bat pour la donne suivante, sans certitude du résultat. Mais Célestine apprendra une chose dans ce dédale existentiel : on a toujours le choix.

Découvrez le 1er chapitre de ce roman.

Chapitre 1 : Célestine

On choisit pas ses parents, on choisit pas sa famille. Vous entendez la chanson Être né quelque part de Maxime Le Forestier dans votre tête ? Vous entendez sa voix répéter: « Être né quelque part, être né quelque part, pour celui qui est né, c’est toujours un hasard ». Les chœurs reprennent alors ces drôles de paroles Nom'inqwando yes qxag iqwahasa. Naître quelque part, c’est un hasard parfois heureux, parfois malheureux, parfois un peu des deux.


Célestine aurait pu vous dire que c’était son cas. Elle avait la plus gentille des mamans mais le plus terrible des papas. Sept ans déjà qu’elle était sur cette terre, bien suffisant pour acquérir plusieurs certitudes. Sa maman l’aimait. Elle prenait des coups à sa place, des insultes pour elle. Elle était son paravent, son pare-feu, son paratonnerre face à l’ogre qui habitait avec elles. Sa maman était la plus douce du monde. Elle lui pâtissait des madeleines aux pépites de chocolat, lui racontait des histoires féeriques, la câlinait dans ses bras chauds et doux. Elle sentait la fleur d’oranger. Elle se maquillait tous les jours. Petite, Célestine pensait qu’elle voulait rester belle. Aujourd’hui, elle savait que c’était pour cacher les violettes qui fleurissaient un peu partout sur son corps.


Gabriel, son père, c’était tout autre chose. Un homme grand, froid, qu’elle appelait Gaby. Jamais elle ne l’avait appelé papa. Cela ne le dérangeait pas. Il haïssait cette gosse. Elle chouinait, elle pleurait, détournait Camille de son devoir de femme au foyer. Combien de fois, enceinte, lui avait-il dit de se débarrasser de la gosse. Il ne pouvait pas la blairer. D’ailleurs, il ne l’appelait jamais Célestine. C’était « machin», « bidule », « truc », « la chose », « l’emmerdeuse ». Elle était un obstacle à sa réussite personnelle et professionnelle. Qu’entendait-il par réussite ? Ça, personne ne l’a jamais su.


Célestine savait qu’il fallait se faire toute petite, le plus invisible possible pour échapper à leur bourreau. Son père était un « homme d’affaires ». Elle avait compris très vite que cela voulait dire escroc. C’était un menteur, un tricheur qui volait les gens. Parfois, il était de bonne humeur. Quand il avait réussi « un coup », il était plus aimable, plus patient, presque gentil. Mais si les choses ne se passaient pas comme il l’avait souhaité, gare à vous ! Il fulminait, vociférait, comme s’il avait été mordu par un chien enragé. Il cassait tout ce qui lui venait sous la main : les assiettes, le mobilier, sa femme, sa fille.


Une fois, Célestine avait supplié sa maman de partir. Mais pour aller où ? Camille n’avait rien. Elle travaillait comme femme de ménage et le peu qu’elle gagnait allait sur le compte commun pour payer le loyer. Elle n’avait plus de famille. Ses parents étaient morts et les quelques cousins et cousines, lassés de la voir se laisser fracasser sans réagir, l’avaient finalement abandonnée.


Camille avait terminé plus d’une fois aux urgences. Elle commençait à connaître tous les os de son corps. Il aurait été plus rapide de vous dire lequel n’avait pas fini fracturé, déboîté, fendu. Les soignants la pressaient de porter plainte, mais elle ne s’y résolvait pas. D’abord parce qu’elle avait peur. Elle porterait plainte et après ? Où irait-elle avec Célestine ? Dans un hôtel, un foyer ? Pour combien de temps ? S’il les retrouvait ? Les gens étaient pleins de bonnes intentions mais peu d’actions se concrétisaient au-delà du conseil.


Et puis, elle avait l’espoir chevillé au corps. Lorsqu’elle avait rencontré Gabriel, il était gendarme réserviste. C’était un homme qui prenait soin d’elle, qui la chouchoutait, qui l’aimait. Bien sûr, tout cela nécessitait des contreparties. Elle devait s’occuper de lui, veiller à ses besoins, rester mince et belle. Ce qui était tout à fait normal, pensait-elle. La première gifle l’avait surprise. Une banale histoire de marque de bière. Elle n’avait pas acheté la bonne. Puis, elle s’était gentiment moquée de lui lors d’une soirée avec ses collègues, une simple histoire de caleçon avec des cœurs. Le premier coup l’avait stupéfiée. La violence était allée crescendo. Lorsqu’elle avait découvert qu’elle était enceinte, elle avait pensé que cela ramènerait l’amour et la paix dans son foyer. Il n’en était rien. Gabriel, fou de colère, de jalousie, s’était mis à la frapper au ventre, pour qu’elle perde le bébé. Elle s’était enfuie. Il l’avait suppliée de revenir, de lui pardonner, lui avait promis monts et merveilles. Elle l’avait absous. Il avait tenu six semaines. 


Puis, il avait appris qu’il avait raté le concours d’entrée de la gendarmerie, qu’il était radié de la réserve. Il avait alors décrété que tout ça, c’était la faute du mioche à venir. Il s’était mis à détester davantage cet enfant, « la tumeur » comme il l’appelait. Il n’était pas venu à la maternité et il s’était barré les premiers mois. Camille avait pleuré de désespoir, elle l’aimait son « archange ». Il était revenu au bout de quasiment un an sans un sou. La petite larve d’un an n’intéressait pas Gabriel, en revanche les allocations familiales oui. Cela lui permettait de « faire des affaires ».

Elle l’avait aussitôt repris. Elle l’avait dans la peau, c’était le père de son enfant, ils seraient heureux. Elle l’avait décrété, il ne pouvait en être autrement. Pour la première fois de sa vie, elle comptait pour quelqu’un, ce n’était pas quelques « gifles » qui les sépareraient.


Voilà le monde dans lequel Célestine était arrivée. Un monde d’amour et de haine, de fleur d’oranger et de mauvais tabac, de câlins et d’ecchymoses. Elle était une funambule de sa vie, veillant à ne pas tomber du côté de Barbe-Bleue.


La deuxième certitude de Célestine était qu’elle ne pouvait compter que sur elle. Elle aimait sa maman, mais elle avait réalisé qu’elle était trop « accro » à son père. Camille ne quitterait celui qu’elle appelait mon « ange ». Célestine trouvait ce surnom d’une ironie folle. Gaby, c’était le diable en personne. Elle avait essayé de parler de ce qui se passait à la maison. Il y avait eu des réunions, des échanges pour, au final, rien du tout. Si ce n’est la perte de deux de ses premières dents. Elles étaient tombées après les baffes de son géniteur reçues pour avoir osé l’ouvrir. Sa maman l’avait consolée, mais lui avait fait promettre de ne plus rien dire à personne. Il ne fallait pas dire du mal de son père. Célestine avait alors connu deux grandes déceptions dans sa vie. La petite souris n’était pas passée et sa mère l’avait trahie. Elle avait convenu de ne plus faire confiance qu’à elle-même. Elle s’était réfugiée dans les livres et avait décrété qu’il fallait qu’elle apprenne à lire. Elle allait à la bibliothèque tous les samedis. Elle y rencontrait Marie, la bibliothécaire, qu’elle adorait. Cette dernière l’avait initiée à sa demande au déchiffrage des syllabes. Célestine était une petite fille intelligente et travailleuse. À la fin de sa grande section, elle lisait presque couramment. Les livres étaient son échappatoire. Elle avait compris que le savoir serait sa porte de sortie. Elle devrait s’en tirer sans ses parents. Sa brute de père ne servirait jamais à rien. Sa mère, malgré l’amour qui les unissait, ne l’aiderait pas.


La troisième certitude de Célestine, c’était que l’un d’entre eux mourrait vite. La solution à ce marasme résidait dans la mort d’un des trois protagonistes.

Hypothèse numéro un : sa mère, dans un élan de défense, tuait son père. Probabilité faible.

Hypothèse numéro deux : elle tuait son père. L’envie ne lui en manquait pas. Mais elle n’avait que sept ans et elle avait des principes. Elle voulait qu’on rende justice à sa mère et à elle. Cela se faisait dans un tribunal, pas dans un cimetière.

Hypothèse numéro trois : son père les tuait toutes les deux. Probabilité au moins cinquante pour cent. Cela l’effrayait, elle tenait à la vie. Elle s’était accrochée dès le départ, malgré les coups. Elle avait envie de voir et de découvrir le monde. Mais elle préférait cette hypothèse à la dernière : son père assassinait sa mère et elle se retrouvait seule avec lui. Quitte à mourir, autant partir avec sa mère, ça lui faisait moins peur.


Voilà où était née Célestine. Un hasard bien capricieux. Elle pouvait faire avec, elle pouvait faire sans. Notre vie est faite de choix, de décisions, d’imprévus et de rencontres. Il faut naviguer sur les flots de la vie au gré des vents, des orages, des tempêtes et des moments heureux. Célestine l’avait compris et était bien décidée à s’en sortir. Elle ne ferait ni avec ni sans. Elle ferait comme elle pourrait, du mieux qu’elle pourrait. Il y avait mieux ailleurs, elle le savait. Cet ailleurs serait son espoir, sa bagarre, son objectif. Le départ était mauvais, elle n’y pouvait rien. Mais l’arrivée ne dépendait que d’elle. Elle n’avait que sept ans, mais elle était prête.

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